13. Lutter contre l’insalubrité

Lutter contre l’insalubrité avec et dans l’intérêt direct des habitants

L’application des réglementations en matière de salubrité peut déboucher, dans les situations les plus critiques d’insalubrité avérées, sur la fermeture du logement déclaré inhabitable. Des situations minoritaires mais qui concernent généralement des ménages en situation de grande vulnérabilité *et peuvent aboutir à la perte pure et simple du logement (soit une «double peine sociale »).

La question du relogement n’est pas suffisamment anticipée, en particulier dans le cadre d’opérations de contrôle systématique par quartier. L’obligation légale n’aboutit pas automatiquement au relogement (obligation de moyen, fonction des logements disponibles, solutions d’hébergement, etc.).
Les locataires se retrouvent le plus souvent mis sous pression alors qu’ils vivent des situations déjà compliquées et devraient être soutenus. Ils ne bénéficient pas des protections élémentaires garanties dans le cas des expulsions judiciaires (pas de délai minimum garanti, pas d’obligation d’avertir le CPAS, recours au Conseil d’Etat contre la décision de fermeture, ...).
En ce qui concerne les bailleurs qui abusent clairement de ces situations, la fermeture seule n’est pas une sanction: elle leur permet parfois de rénover ou revendre le bien «libre d’occupation». Les arrêtés de fermeture ne sont pas toujours suivis d’effet si bien que des logements sont remis en location, les bailleurs sont rarement sanctionnés (absence de poursuites pénales, faible taux d’amendes régionales, etc.).
Le seul moyen d’obtenir réparation pour le locataire est d’agir en justice de paix : c’est rarement la priorité dans des situations d’urgences souvent critiques; les procédures administratives (contrôle de la salubrité) et judiciaires ne coïncident pas; la jurisprudence n’est pas très favorable aux locataires (indemnité d’occupation).

Enfin, ces réglementations complexes ont parfois été instrumentalisées pour reléguer à bon compte un public fragilisé. On doit en tout cas s’interroger: ces procédures «ne fonctionnent-t-elles pas comme un mécanisme d’exclusion supplémentaire envers les personnes vulnérables, lorsqu’elles ne sont pas couplées à une offre suffisante de logements abordables et de qualité ?»*

Vu ces difficultés spécifiques, la politique de lutte contre l’insalubrité doit fondamentalement être révisée pour mettre les occupants au cœur de l’ensemble du dispositif en prévoyant:

  • Une action concertée et préventive en amont des décisions de fermeture entre l’ensemble des acteurs (Service logement, Parquet, service incendie, acteurs locaux...) qui inclut un accompagnement adapté et soutenant des habitants tout au long de la procédure, y compris pour agir en justice;
  • Une obligation effective de relogement à charge directe du bailleur ;
  • L’application au profit des locataires au minimum des protections prévues en matière d’expulsion judiciaire ;
  • Des sanctions plus dissuasives à l’encontre du bailleur et directement réparatrices pour le locataire (notamment l’intervention directe dans les frais de relogement);
  • D’expérimenter là où c’est possible des rénovations d’office à charge du bailleur, voire de l’auto-rénovation accompagnée;
  • D’harmoniser les procédures judiciaires et administratives afin de les simplifier.

*Thibault Morel et Henk Van Hootegem, "Les expulsions pour cause d'insalubrité: révélatrices de l'ineffectivité du droit à un logement décent dans les situations de pauvreté?" Echos du Logement, n°123, juillet 2018, p56-58.