En finir avec les expulsions ? Ouvrons un débat public!
Les enjeux fondamentaux liés aux expulsions judiciaires ne font pratiquement pas l’objet de débats publics. Elles en viennent à être considérées comme «normales». On peut comprendre et tenir compte de la nécessité pour les bailleurs de maintenir leur bien en état, de percevoir leurs revenus locatifs et de récupérer leur logement rapidement dans le cas contraire.
Un échec collectif
Pourtant, les expulsions constituent la plupart du temps un échec tant pour le locataire que pour le bailleur, peut-être aussi pour la société dans son ensemble: plus qu’une question individuelle, elles devraient constituer une question de société. D’autant qu’on a pu observer une augmentation critique des expulsions ces dernières années (235% en 8 ans) à mettre en lien avec la dégradation des conditions socioéconomiques de ménages *.
Elles mériteraient pourtant d’être questionnées en profondeur par rapport:
- À leur proportionnalité en fonction des objectifs poursuivis (le paiement régulier du loyer et l’utilisation raisonnable de l’habitation) compte tenu de leur impact;
- À leurs effets réels directs (sur les familles ainsi que pour les bailleurs) et indirects (leurs coûts sociaux cachés notamment);
- Aux effets structurels déterminants de la crise économique et du logement sur la capacité à supporter les frais de logement;
- Au déploiement et l’amplification de dispositifs efficaces en amont des procédures, notamment en vue de prévenir le sans-abrisme (rôle particulier des CPAS, collaboration en amont entre tous les acteurs...);
- À l’amélioration nécessaire de la réglementation ;
- À la recherche d’autres modes opératoires permettant de régler de manière plus satisfaisante et moins dommageable pour les parties et la collectivité les conflits locatifs (par exemple, par le renforcement du travail d’accompagnement en amont et tout au long de la procédure [mesure 14], par le garantissement public des loyers en lien avec une allocation loyer [mesure 5], par le maintien prioritaire conditionné dans le logement; par une obligation publique de relogement...);
- Une réflexion générale sur les pratiques d’évictions dans leur ensemble;
- L’adoption de mesures dissuasives en matière d’expulsions illégales ;
- L’organisation de suivis et d’observations continues afin de mesurer l’ampleur des difficultés.
Ces questions de fond doivent être mises en débat prioritairement dans le secteur public et conventionné compte tenu de leurs missions spécifiques.
Les mesures à prendre doivent nécessairement éviter les effets pervers pour les locataires comme pour les bailleurs.
* "Les expulsions domiciliaires en Wallonie. Premier état des lieux", IWEPS, janvier 2015