Que se passerait-il si demain tous les locataires menacés d’expulsion résistaient ?
Récit de Charlotte (nom d’emprunt pour respecter l’anonymat), en italique, le récit écrit directement par Charlotte.
Au début où j'ai emménagé, nous raconte-t-elle, les contacts avec son propriétaire se passaient « plus ou moins bien». Petit à petit des problèmes de salubrité sont apparus : « surtout des inondations récurrentes dans la cave avec de plus en plus d'humidité ascendante. Malgré le fait que je nettoyais les murs, ça revenais toujours. Surtout que les châssis du bas sont fixes et qu'il est impossible d'aérer, à l'exception d'ne fenêtre. »
Quelques années après le début de la signature du bail, Charlotte traverse une période de difficulté financière qui l’amène à un retard de payement d’un mois de loyer. Elle propose de faire un plan d’apurement de dette et de chercher une solution à l’amiable avec le propriétaire mais celui-ci refuse et cite Charlotte à comparaître au tribunal. « Je n'ai même pas été mise au courant de l'audience a la justice de paix et je n'ai pas pu me défendre, j'ai été mise au courant lors de la signification du jugement pour l'expulsion ».
A partir de ce moment, Charlotte met tout en œuvre pour trouver un autre logement et finit par trouver une solution de relogement. « J'avais trouvé mais j'avais besoin d'un délai pour emménager dans la nouvelle maison, mais il n'a rien voulu entendre: il voulait qu'on dégage. J'ai contacté le cpas, l’huissier qui s'occupait de l'expulsion pour essayer de lui faire entendre raison mais en vain... Le bourgmestre, la police, le cpas, une association anti expulsion… Personne n'a réussi à le (propriétaire) faire changer d'avis.
L’agent de quartier contacté par Charlotte a aussi essayé de convaincre le propriétaire mais rien n’y fait... Charlotte n’a plus eu d’autres choix que de résister physiquement à l’expulsion.
Le jour de l’expulsion
Charlotte décide ne pas baisser les bras et de résister à une expulsions injustes.. « Je suis montée à l'étage parler à la fenêtre en criant que je ne céderai pas, que mes enfants ne se retrouveraient pas dehors pour les caprices d'un "bobo avide d'argent". J'ai vécu tellement de chose dures dans ma vie, 10 ans de violences conjugales, la mort de ma fille de 18 ans... Je leur ai dit que jamais je ne faiblirait et que je lutterais jusqu'au bout pour ma famille. »
Un courage et une résistance qui portera ses fruits
« J'ai décidé de bloquer toutes les portes avec mes grands fils et mon mari: on a tout barricadé avec meubles, sommier, planches … Ils ont percé la serrure et ont essayé de pousser mais en vain. On étaient tous derrière à résister. Mon plus grand fils leur a jeté des seaux d'eau froide plusieurs fois, et ils ont fini pas se décourager et appeler le commissaire »
Le commissaire comprend la situation, décide d’annuler l’expulsion et d’accorder le délai nécessaire pour permettre à Charlotte de partir sereinement et d'emménager avec ses enfants dans son nouveau logement une semaine plus tard.
Ce sont bien les loyers qui sont impayables !
- 8 expulsions sur 10 on lieu parce que les locataires ne sont plus en capacité de payer leur loyer.
- Les locataires expulsés mettent en moyenne 11 mois pour retrouver un logement stable et ont un impact très important sur la santé, la scolarité des enfants, etc.
- Les coûts financiers et sociaux d’une expulsion sont énormes. On estime qu’en investissant 1€ dans la prévention des expulsions on pourrait économiser jusqu'à 7 euros sachant que les hébergements d'urgence coûtent très chers à la collectivité.
Son récit , poignant, illustre bien le désarroi et le manque de moyens pour accompagner les locataires confrontés à des expulsions. Il montre aussi que de nombreuses expulsions pourraient être évitées.
Résister à une expulsion n’est pas une chose facile ni sans risque: il est important que les locataires soient informées des conséquences (financière, juridiques mais aussi émotionnelles) que cela peut avoir. Dans certaines situations, comme celle-ci, résister redonne de la dignité et démontrent que les expulsions ne sont pas une fatalité en remettant les pouvoirs public face à leur responsabilité et l'importance d'accompagner les locataires au plus tôt.
