Du 14 au 17 novembre 2024, nous sommes partis à Barcelone pour l’Asamblea Popular Internacional por la Vivienda Contra la Economía Vampírica. Littéralement l’assemblée populaire internationale pour l’habitat et contre l’économie vampire. Cette assemblée de 4 jours, c’était 93 mouvements sociaux originaires de 22 pays issus de 4 continents réunis pour partager des expériences de luttes et penser des stratégies d’action globale pour l’accès au logement . Cet article raconte ce petit voyage et les inspirations politique que ça nous a apporté. Nous sommes partis à Barcelone à une douzaine issu·es d’assos et de collectifs luttant pour l’accès au logement en Wallonie et à Bruxelles.
Les rencontres étaient organisées par la PAH et la Coalition Européenne pour de droit au logement.
La coalition européenne pour le droit au logement est née en 2014 en réaction à l’austérité post-crise 2008. L’objectif de la coalition c’est d’agir ensemble et de trouver de la force au niveau international pour le droit au logement et contre le système capitaliste et son économie vampire présente partout. Cette coalition c’est aussi la tentative de s'organiser et d'amplifier des actions coordonnées à l’échelle européenne. Les premières actions de la coalition visaient le MIPIM (salon de l’immobilier international qui à lieu chaque année à Canne), le lieu par excellence de la financiarisation du logement.
Aujourd’hui la Coalition revendique de recréer des infrastructures collectives, d’élaborer des mécanismes démocratiques et de contrôler les capitaux liés au secteur logement. En 2021, elle a initié la dynamique du Housing Action Day. Le HAD c’est 120 actions contre la marchandisation du logement menée un peu partout en travers l'Europe en 2024 et notamment en Wallonie à Charleroi, Liège, Namur et Tournai !
Si se puede !
La PAH, en Espagnol « Plataforma de Afectadas por la Hipoteca », la Plateforme des victimes du crédit hypothécaire a été créée en 2009 suite à l'éclatement de la bulle immobilière de 2008 et a ensuite participée aux mouvements de protestation de 2011-2012 : 15-M, occupation des places, indignados etc.
Dans les années 90, les gouvernements successifs espagnols ont misé sur l’investissement immobilier. Toute la croissance du pays était basée dessus, en pariant sur le fait qu’une augmentation de l’offre de logement ferait baisser leur prix. Les banques espagnoles ont été incitées à accorder des prêts à très faible taux à beaucoup de monde. À l’époque, il n’était pas nécessaire d’avoir beaucoup d’argents et de garanties pour accéder au prêt hypothécaire pour une maison. Un véritable boom de crédits hypothécaires est né à ce moment-là. Il paraît qu’en Espagne « entre 1997 et 2007, il a été permis de construire annuellement, « plus de logement qu’en Allemagne, en France, en Italie et au Royaume-Uni réunis » »(1). La conséquence de cette politique a plutôt été une augmentation du prix des logements en accentuant la concurence dans l’accès à la propriété à travers l’augmentation des prêts. Avec la crise financière de 2008, une grande partie des petits propriétaires occupants se sont retrouvés dans l’impossibilité de rembourser leur crédit auprès des banques…
L’éclatement de la bulle immobilière aura des impacts non-négligeables sur le marché du logement. L'État espagnol a sauvé les banques en faillite avec l’argent public et a récupéré une partie de leur patrimoine immobilier. L'Union Européenne a obligé les pouvoirs publics espagnols à brader les logements pour réduire la dette publique et des fonds vautours comme Blackstone se sont précipités sur l’occasion. Par exemple, l’Entreprise municipale du logement et du sol de Madrid a vendu 1 860 logements sociaux de location à Blackstone pour un coût de 69 000 € par logement seulement.
Résultat, 350 000 familles se sont retrouvées sans logement, après avoir été expulsées de celui-ci, saisi par la banque suite au non remboursement du crédit(2). C’est dans ce contexte qu’est né la PAH et pour faire face à ces expulsions. La pratique de la PAH est assez simple, se rassembler entre personnes affectées par les hypothèques, occuper les banques pour mettre la pression et s’organiser pour éviter les expulsions de logement, notamment en se retrouvant le matin pour bloquer la police et les huissiers.
Petit à petit, ces actions d’occupations ont généré un mouvement social en Espagne qui, sous la pression populaire à permis de faire adopter dations de payement. En pratique, il s’agit d’un accord entre le « créancier » (la banque) et le « débiteur » (propriétaire occupant) d’annuler la dette par le « don » du logement. Il n’y a donc pas de vente aux enchères et un maintient dans le logement. Cette pratique s’est couplé avec un contrat de « logement social ». En gros, les personnes perdent leur titre de propriété, leurs dettes envers la banque deviennent nul et elles peuvent rester dans le logement avec un loyer social à hauteur de 10 % ou 20 % de leurs revenus(3). Si se puede(4) !
« Le capital est du travail mort, qui ne s’anime qu’en suçant tel un vampire du travail vivant, et qui est d’autant plus vivant qu’il en suce davantage » (K. Marx)
Mais depuis les premières victoires, les fonds vautours comme BlackStone ont pris une ampleur considérable. Ils augmentent les loyers et expulsent des familles. Aujourd’hui, la PAH est en difficulté car les actions locales ne suffisent plus face à des acteurs internationaux comme les fonds vautours. C’est pourquoi la PAH était contente de pouvoir organiser des rencontres internationales.
Si la question des fonds vautours et des grands propriétaires bailleurs ne se posent pas de la même façon en fonction des contextes nationaux, les loyers explosent partout dans le monde. Contrairement à ce qu’on voudrait nous faire croire, c’est un choix politique de ne pas encadrer les loyers et laisser le marché fixer les prix des logements. Ces politiques bénéficient aux propriétaires bailleurs, fonds vautours ou petits bailleurs, qui peuvent dicter les conditions d’accès à un besoin fondamental et augmenter leur patrimoine sur le dos des locataires.
Le but des rencontres était de formuler un narratif, une histoire commune de l’économie vampire qui suce nos revenus à travers les loyers et les crédits. L’image du vampire est plus facile à comprendre que le capitalisme mais c’est bien du même rapport social dont on parle. L’image du vampire peut clarifier nos objectifs, créer une identité internationale et nous permettre d’utiliser un vocabulaire commun pour identifier des alliances possibles et nos adversaires. Pendant les rencontres, nous avons donc abordé ces thématiques via plusieurs moyens : construction collective de contre-récits, partage de connaissance, formation, mobilisation, actions et surtout beaucoup d’échanges entre les collectifs et associations.
Nous sommes ressortis de ces rencontres avec la volonté de redessiner nos luttes en s'appropriant de nouveaux moyens d’action peu utiliser actuellement. Ces moyens sont notamment d’envisager une grêve des loyers organisée collectivement afin de contraindre les politiques locales à adopter des mesures qui aurons réellement des conséquences sur les prix de nos loyers !
Bibliographie :
(1) F. Martin, Les fonds vautours pillent le plus élémentaire : le logement, l’alimentation et l’électricité, CADTM, 2017, dispo en ligne sur https://www.cadtm.org/Les-fonds-vautours-pillent-le-plus-elementaire-le-logement-l-alimentation-et-l
(2) De los desahucios al alquiler social, Otras miradas, Dominio Público [archive], en Público, 12/11/2012, Elías Trabada
(3) https://www.ieb.be/Espagne-La-PAH-Plataforma-de-Afectadxs-por-la-Hipoteca
(4) « Oui on peut le faire! » en espagnole.
